Nitroglycérine à Paulilles - Consigne de la séparation lente - 1956

 

A la dynamiterie de Paulilles, au terme de la phase de fabrication chimique de la nitroglycérine (nitration), intervient une phase de repos du produit fabriqué. De fait, une fois sa fabrication achevée et encore saturée en acides, la nitroglycérine rejoint, à un niveau inférieur, un réservoir d’eau où on la laisse reposer afin qu’elle se sépare des excédents d’acides qui la composent. Dans cet atelier spécifique dénommé « atelier de séparation lente », l’explosif à l'état liquide, de consistance légère et huileuse, surnage progressivement à la surface de l’eau qui le soutient. Trois fonctions sont alors attribuées au personnel chargé du fonctionnement de cet atelier.

Fonctions du personnel de l’atelier

Le personnel spécialisé de l’atelier de séparation lente est tout d’abord chargé de récupérer la nitroglycérine liquide, qui subit ensuite une phase d’épuration par lavage dans un fort volume d’eau ; c’est ce qu’exprime en 1956 la consigne « d’écrémage » de la nitroglycérine : « Ecrémer la nitroglycérine chaque fois qu’il est nécessaire ». Il s’agit de la première fonction attribuée au personnel de cet atelier.

Au terme de la phase de lavage, la nitroglycérine connaît ensuite plusieurs destinations : elle est soit immédiatement destinée à la fabrication de la dynamite, soit elle subsiste sous forme d’excédent. Dans ce dernier cas, le personnel a également pour tâche de l’acheminer vers son atelier d’origine, où elle est réinjectée pour la fabrication d’une nouvelle charge. Selon ce procédé dit procédé Nathan, il s’agit de fait de fabriquer plusieurs charges journalières de nitroglycérine, dans des appareils successivement chargés et déchargés de leur production.

Enfin, en cas de besoin, une troisième fonction du personnel consiste à recueillir et acheminer de la nitroglycérine à partir d'un autre atelier dit atelier de regagnage. Selon une pratique de la Société Nobel remontant au siècle précédant, sont en effet récupérés tous les acides résiduaires, en vue de la fabrication d’engrais chimiques destinés à la commercialisation.  

Une caractéristique de mobilité

En résumé, comme l’indique la consigne en 1956 mais comme ne l'indique pas son intitulé, le personnel de l’atelier de séparation lente est un personnel mobile, chargé de l’acheminement de matières explosives selon une trajectoire variable : il ne doit pas « séjourner inutilement dans l’atelier…mais y faire de fréquentes tournées ». C’est ce qui le distingue du personnel fixe, attaché aux ateliers de fabrication, ceux de fabrication de la nitroglycérine comme ceux de la dynamite.

A ces tâches spécifiques s’ajoutent encore des fonctions de surveillance : surveillance et nettoyage des débordements, surveillance de la décomposition possible de la nitroglycérine, de la déperdition d'acides, d’incident matériel et refroidissement des cuves en été. En 1956, ces diverses fonctions demeurent toujours subordonnées au risque de décomposition de la nitroglycérine, entraînant l’évacuation de l’atelier et la mise à l’abri du personnel.

En définitive, ce travail apparaît à la fois comme une fonction à risques et un travail de force lié à la manipulation et à l’acheminement de matières liquides dans un espace soit horizontal, soit vertical. Il n'existe toutefois pas de limitation réglementaire au volume de ce personnel.

Pour information, dix exemplaires de la consigne destinée à l’atelier de séparation lente sont  établis à Paulilles le 7 novembre 1956.

E. PRACA

 

DOCUMENT

Usine de Paulilles

Consigne pour l'atelier de séparation lente

 

Eviter en remplissant les cuves de les faire déborder. Si cependant une cuve déborde, fermer son robinet de remplissage, ouvrir celui de la cuve vide voisine et laver à grande eau l’acide renversé.

Écrémer la nitroglycérine chaque fois qu'il est nécessaire.

Porter les crasses recueillies dans la cuve de lavage de la nitroglycérine et les y agiter dans l'eau.

Porter chaque jour la nitroglycérine recueillie à l'atelier de nitration et la verser dans un laveur contenant de l'eau.

Ne pas séjourner inutilement dans l'atelier de séparation lente, mais y faire de fréquentes tournées ; s'assurer qu'il n'y a ni décomposition de la nitroglycérine ni déperdition d'acide, ni incident de matériel, écrémer comme il a été dit ci-dessus (paragraphes 2 et 3).

En été, refroidir les acides en faisant couler de l’eau froide sur les parois de la cuve.

Aller chercher aussi souvent qu'il est nécessaire la nitroglycérine recueillie à l'atelier de regagnage.

En cas de décomposition de la nitroglycérine dans une cuve, évacuer l'atelier et attendre à l'abri la fin de la réaction.

Paulilles, le 7 novembre 1956

 

SOURCES

Usine de Paulilles. Consigne pour l’atelier de séparation lente, 1 p. dactylographiée, Paulilles, 7-11-1956. Archives privées.