Paulilles - Série rouge des accidents mortels - 1877-1934

 

En 1948, les délégués du personnel élus à la dynamiterie de Paulilles sont issus du syndicat CGT. En 1949, une grève dure se déroule à l'usine, ayant pour principal motif le refus d'augmentation de la productivité dans la fabrication de la dynamite. Ce mouvement social est soutenu par le journal  "Le Travailleur Catalan" qui fait paraître une série d'articles consacrés à la grève ainsi qu'à la relation conflictuelle des ouvriers et ouvrières avec les représentants patronaux du "trust Nobel".

Ce conflit incite l'hebdomadaire communiste à rappeler les explosions mortelles survenues au sein de la dynamiterie depuis 1877. Le journal fait alors état de sept accidents mortels, mais ce nombre est inférieur à la réalité. L'exposé de ces sept catastrophes témoigne toutefois de la mémoire des accidents de Paulilles, telle qu'elle s'est conservée jusqu'en 1950, époque où ce récapitulatif a été  publié. 

 E. PRACA

 

DOCUMENT

Dans l'enfer de la dynamiterie de Paulilles : la série rouge

7-1-1950

 

"En haut de leur coffre-fort ou camouflés derrière les savantes manoeuvres de leurs conseils d'administration, les gros magnats du trust Nobel se croyaient invulnérables.

Les voilà aujourd'hui dénoncés à l'opinion publique ces rançonneurs qu'on rencontre où il y a quelque chose à prélever sur la souffrance des hommes.

Comme on l'a vu, il ne s'agit pas de vulgaires mercantis, certes, ni de margoulins de bas étage. Ce sont "des messieurs froids, corrects et distingués" qui ont pris la place des seigneurs de l'ancienne féodalité.

L'actuel directeur de la dynamiterie de Paulilles, Variot et son éminence grise M. Crozet, ont fort peu apprécié la publicité que nous avons faite sur ces forbans modernes au service desquels ils déploient un zèle si remarquable. Nous préjugeons sans peine que la parution de nos prochains articles ne va pas diminuer la haine qu'ils nous portent.

Nous n'en continuerons pas moins à dénoncer les méfaits de la farouche exploitation à laquelle ils n'ont cessé d'assujettir les travailleurs.

"Les morts vont vite à Paulilles"  

MM. Variot et Crozet ne devraient pas oublier les événements douloureux qui se sont maintes fois déroulés dans cette vallée dont l'aspect riant semble par un caprice de la nature, vouloir camoufler un drame que des femmes et des hommes jouent continuellement avec la mort.

Depuis 1873, date où elle est passée aux mains du Trust Nobel, la dynamiterie de Paulilles a été le théâtre de fréquentes explosions qui périodiquement semèrent la mort dans les baraques où se fabriquent la nitroglycérine et la dynamite.

24-7-1877 : Première victime

Ce fut la première explosion.

Cette catastrophe devait ouvrir à Paulilles une longue série des victimes inscrites aujourd'hui au passif du Trust Nobel. Deux jeunes filles et un jeune homme y périssaient pulvérisés. Seul le tronc décapité du jeune homme fut retrouvé à 200 mètres du lieu de l'explosion ; des deux jeunes filles il ne restait que des lambeaux de chairs et de vêtements.

24-1-1882 : 19 victimes dont 16 jeunes filles réduites en bouillie

Ce fut la plus terrible des explosions. Elles se produisit dans la baraque des cartoucheurs, voisine de celle qui sauta en 1877. 16 jeunes filles de Banyuls, Collioure et Port-Vendres, la plupart âgées de 15 et 16 ans et 3 ouvriers furent réduits en bouillie.

Deux cadavres seulement avaient conservé quelque forme humaine, quelques vagues signes susceptibles de permettre un essai de constatation d'identité. Dans les rapports des enquêteurs de l'époque nous relevons que les cercueils ne contenaient que des chairs recueillies partout, même au fond de la mer que l'on avait draguée avec des filets.

7-11-1896 : 2 ouvrières pulvérisées

Le hasard a voulu que deux femmes travaillaient dans la baraque qui ce jour-là explosa épargnant ainsi un nombre plus élevé de victimes. Des 2 ouvrières, Catherine Parcé, 32 ans et Clémence Serre, 21 ans, toutes deux mères de famille, il ne fut retrouvé que quelques restes épars.

27 mai 1913 : 6 morts (dont 4 disparus) 40 blessés

Cette fois, c'est l'appareil servant à la fabrication du liquide infernal : la nitroglycérine qui explosa provoquant successivement l'explosion de l'atelier de filtrage et celui de pétrissage. Plus de 2000 kgs de dynamite ainsi explosés broyant 6 ouvriers. Poch Joseph, de Banyuls, père de 7 enfants; Bonnet père dont le fils fut également grièvement blessé; Jouvenet, contrôleur des poudres; Aspart André de Port-Vendres; Surroca Jean de Paulilles et Nondedeu Antoine, de Port-Vendres. Ces quatre derniers furent portés disparus et 40 autres blessés. Cette terrible explosion fut entendue de Gruissan (Aude) distant de 100 kilomètres.

3 mars 1914 : 4 ouvriers en miettes

C'est encore à l'atelier de pétrissage, celui-là même où avait eu lieu en 1913 la troisième explosion que la mort semait l'épouvante. Les restes émiettés de Joseph Dunyach, né à Prats-de-Mollo et demeurant à Port-Vendres, rescapé de la récente catastrophe et ceux de Joseph Benavent étaient projetés à la mer à une très grande distance. leurs restes ne furent jamais retrouvés.

Quant aux deux autres, Gazeilles Louis de Collioure et Rigau, de Banyuls, ils furent retrouvés sur la plage de Paulilles, horriblement mutilés.

24 octobre 1931 : 100 kilos de coton azotique font explosion

C'est à la baraque où il est procédé au séchage et à l'encartouchage du coton azotique que l'explosion s'est produite.

Le seul employé présent dans la baraque, Lavail Adolphe, a été tué. Le malheureux infortuné mis en lambeaux.

Mme Pauline Roquefort et Claire Calcine, qui furent blessées, peuvent se vanter d'avoir vu ce jour-là, la mort de près. Elles venaient en effet de quitter le malheureux Lavail, quand l'explosion eut lieu.

D'autres, comme Llobéra, Escoubeyrou et Sola furent également blessés.

20 juillet 1934 : l'atelier de nitrage saute à nouveau

Quatre hommes, cette nuit-là, (car à Paulilles on travaille aussi la nuit) surveillaient l'infernal mélange d'acide nitrique et de glycérine qui forme un dangeureux explosif.

Soudain, l'ouvrier Luc constata que la formation du mélange ne se faisait pas comme il convenait. Le temps de crier "Sauve qui peut !" et l'explosion se produisit.

Deux ouvriers seulement, Vidal et Muncho avaient réussi à gagner l'abri où ils furent grièvement blessés. Les ouvriers Luc et Fortuny furent retrouvés déchiquetés.

Luc était un rescapé de la catastrophe de 1913, qui fit six victimes.

Ce fut la dernière catastrophe qui se produisit à Paulilles. Le bilan est édifiant".

Adrien VIDAL

 

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BiIBLIOGRAPHIE

VIDAL Adrien, "Dans l'enfer de la dynamiterie de Paulilles. La série rouge", Le Travailleur Catalan, Perpignan, 7-1-1950, p.1 et 6.

POUR EN SAVOIR PLUS

VIDAL Adrien, Enfer de Paulilles. Dangers de fabrication de la dynamite, Le Travailleur Catalan, Perpignan, décembre 1949.

Voir également sur le site Amis de Paulilles, la rubrique Risques, section Accidents/Grèves.

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Accidents mortels à ajouter - 1877-1934

Explosion du 4 octobre 1891.

Explosion du 18 octobre 1906.

Incendie du 2 septembre 1918.

Explosion de septembre 1924.