Fabrication de dynamite à Paulilles – Accidents en 1950

 

En 1950, l’hebdomadaire communiste Le Travailleur Catalan et le journal La Voix de la Patrie font état d’accidents survenus à Paulilles, au cours de la fabrication de la dynamite. Conservés à l’état de tapuscrits et reproduits ici, ces articles font écho à celui d’Adrien Vidal, du Travailleur Catalan, attirant l’attention en 1949 sur les risques liés à la production de dynamite à Paulilles.

Ces articles relatent trois accidents dont un mortel survenus en 1950. Les deux premiers sont liés, l’un à l’éclatement d’une cuve d’acide nitrique, l’autre à la rupture d’une vanne de vidange sur une cuve d’ammoniaque. Nécessitant une recherche supplémentaire, la troisième cause d’accident n’est pas déterminée dans le troisième article recueilli.

En tout état de cause, ces accidents confirment le cri d’alarme lancé en 1949 par le Travailleur Catalan. Liés à l’augmentation des cadences de production et à la saturation du site encombré de multiples ateliers, ils illustrent également les revendications des travailleurs et les difficultés à établir au sein de l’entreprise une réelle sécurité.

E. PRACA

 

DOCUMENTS

Travailleur catalan

Fin avril 1950 - 1 ouvrier tué

 

« La semaine dernière, la mort frappait une fois de plus les laborieuses populations de la Côte Vermeille, parmi lesquelles se recrute la grande majorité du personnel de la dynamiterie.

Nous avons informé nos lecteurs des circonstances tragiques dans lesquelles l’ouvrier Boumaza, père de 4 enfants, travaillant depuis 25 ans dans cette entreprise où nombre de ses aînés ont péri avant lui, a trouvé à son tour une mort horrible, les poumons brûlés par les émanations de gaz provenant de l’éclatement d’une cuve d’acide nitrique. (…) ».

(Travailleur Catalan du 6 mai 1950. Tapuscrit d’article intitulé « Dans l’enfer de Paulilles. L’éclatement d’une cuve fait trois nouvelles victimes »).

 

La Voix de la Patrie

Mai 1950 - 3 asphyxiés

 

« A Port-Vendres à la dynamiterie de Paulilles. Une cuve d’ammoniaque saute : trois blessés. C’est le deuxième accident du travail en huit jours.

Perpignan. Vendredi, le bruit courait à Port-Vendres, qu’un nouvel accident était survenu à l’usine de Paulilles.

Nouvelle alarmante, au moment où se déroulaient les obsèques de l’ouvrier Boumaza, victime de la dernière explosion.

Malheureusement, le bruit se confirmait, car, en effet, à 7h30 une explosion s’était produite.

Les ouvriers Nicolau et Figuères étaient occupés à une réparation quand une cuve d’ammoniaque contenant environ 500 litres de liquide, sautait sous la pression trop forte des gaz.

Respirés par les ouvriers, ces gaz nocifs provoquaient un commencement d’asphyxie.

M. Serra qui travaillait à proximité, vint au secours des victimes mais il était à son tour incommodé par les gaz d’ammoniaque, au cours de sa courageuse intervention.

Les trois ouvriers ont été immédiatement conduits à l’infirmerie de l’usine où ils reçurent les premiers soins ».

(La Voix de la Patrie du 2 Mai 1950 - Tapuscrit)

 

Travailleur catalan

6 mai 1950

 

Dans l’enfer de Paulilles. L’éclatement d’une cuve fait trois nouvelles victimes.

« La semaine dernière, la mort frappait une fois de plus les laborieuses populations de la Côte Vermeille, parmi lesquelles se recrute la grande majorité du personnel de la dynamiterie.

Nous avons informé nos lecteurs des circonstances tragiques dans lesquelles l’ouvrier Boumaza, père de 4 enfants, travaillant depuis 25 ans dans cette entreprise où nombre de ses aînés ont péri avant lui, a trouvé à son tour une mort horrible, les poumons brûlés par les émanations de gaz provenant de l’éclatement d’une cuve d’acide nitrique.

Vendredi dernier, au moment où se déroulaient, au milieu d’une nombreuse assistance, les obsèques de la malheureuse victime, l’on apprenait avec une profonde stupeur qu’un nouvel accident analogue au premier venait de se produire à la dynamiterie.

Trois ouvriers, Nicolau, Figuères et Serra, demeurant tous les trois à Paulilles, étaient à leur tour victimes de la rupture d’une vanne de vidange d’une cuve d’ammoniaque.

Tous les trois furent asphyxiés par les gaz émanant du liquide en fuite qui se répandit dans la pièce où ils travaillaient. Actuellement en traitement, leur vie ne semble pas être en danger. L’on présume néanmoins les conséquences graves que cet accident aurait pu avoir si le contenu de la cuve eut été comme dans le premier accident, de l’acide nitrique.

Encore une fois la responsabilité de la Direction est entièrement engagée dans cet accident criminel.

Dans une rigoureuse enquête, notre journal avait dénoncé les dangers terribles qui planent sur les travailleurs de la dynamiterie de Paulilles qu’exploite avec une rapacité inouïe le trust international Nobel.

Ces dangers constituent désormais une menace permanente pour la vie des travailleurs depuis que la direction a lock-outé les délégués du personnel et les responsables du syndicat qui exigeaient le respect des règles de sécurité.

Assoiffés de profit qui se chiffre chaque année par plusieurs centaines de millions, la direction abusant de nombreux travailleurs menacés par le chômage qui sévit particulièrement dans cette région, a instauré un véritable régime de mouchardage et de terreur pour assujettir le personnel à des cadences infernales. Le repos hebdomadaire n’est pas toujours respecté et les règles élémentaires de sécurité sont délibérément violées. Cette scandaleuse exploitation contre laquelle ne réagissent pas les pouvoirs publics a eu pour conséquence un mort et trois blessés.

La responsabilité de la direction dans ces criminels accidents est tellement évidente que celle-ci s’est opposée à ce que les représentants de notre journal et de « La Voix de la Patrie » se rendent au chevet des malades résidant dans les cités de l’Usine.

Malgré notre droit le plus absolu, nous n’avons pas voulu faire opposition au garde-chiourne de l’usine, chargé d’exécuter cette violation de la légalité, pour épargner aux blessés et à leurs familles les représailles d’une direction impitoyable à l’égard des travailleurs.

Ce silence mystérieux dans lequel la direction s’efforce de noyer les responsabilités n’en constitue pas moins une accusation supplémentaire. Elle n’altérera en rien la vérité sur les misérables conditions des travailleurs qui sauront, unis dans leur syndicat, briser les chaînes de cet enfer et imposer le respect de leur revendication et de leur sécurité ».

(Travailleur Catalan du 6 mai 1950. Tapuscrit d’article).

 

La Voix de la Patrie

Septembre 1950 -1 accidenté

 

Après l’accident de Paulilles… Raymond Dejean a regagné son domicile.

« Nous avons rendu compte de l’accident dont fut victime M. Raymond Dejean, de l’Usine de Paulilles, le bagne de la Côte Vermeille.

Monsieur Raymond Dejean a pu, mardi, regagner son domicile. Son état s’est amélioré et on a bon espoir de sauver sa vue.

Toutefois, un long traitement est encore nécessaire.

Nous lui souhaitons une rapide convalescence – et espérons que les travailleurs de l’entreprise agiront pour ne pas être les prochaines victimes désignées de l’incurie et de l’insécurité du trust des produits chimiques ».

(La Voix de la Patrie du vendredi 8 septembre 1950. Tapuscrit d’article)

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POUR EN SAVOIR PLUS

PRACA Edwige, Enfer de Paulilles – Dangers de fabrication de la dynamite (1949), site Amis de Paulilles, rubrique Risques, section Accidents-Grèves.

PRACA Edwige, Personnel de l'usine de Paulilles en 1950. Liste par services, site Amis de Paulilles, rubrique Administration, section Personnel.