Ouvrages de défense militaire - Ligne Taillefer-Madeloc - 1882-1888

 

Carte militaire - Edit. Berger-Levrault - 1885

 

Dans les années 1880, le paysage situé au sud de Port-Vendres illustre deux stades d’évolution scientifique. D’une part, en front de mer, la dynamiterie de Paulilles met en œuvre la fabrication de la dynamite, nouvelle matière résultant de la fabrication de la nitroglycérine, elle-même issue des avancées de l’industrie chimique. D’autre part, sur les contreforts pyrénéens, les ouvrages militaires rectifiés ou édifiés par le Ministère de la Guerre s’appuyent encore sur l’usage de l’antique poudre à feu, de composition minérale.

Un document évoque de fait les projets d’organisation retenus par le ministère de 1882 à 1888, projets alors mis en œuvre et dont une partie des fortifications est encore visible depuis l’anse de Paulilles. Ces ouvrages défensifs situés sur les crêtes des Pyrénées-Orientales ont pour objet de protéger la place de « Port-Vendres-Collioure », elle-même destinée à « empêcher l’ennemi d’utiliser le chemin de fer et la voie de mer pour amener en Roussillon ses troupes et son matériel ». Approuvé par le Comité des fortifications en 1882, ce nouveau programme de défense départementale a pour auteur le général Alexandre Segrétain (1826-1901)[1].

Ligne de défense Taillefer-Madeloc, La Galline

 

Batterie de la Galline - Plaques d'entrée - 1885-1886

 

Fin 1879, le général Segrétain quitte en effet son poste de directeur supérieur du Génie à Nantes pour être employé à Paris comme membre du Comité des fortifications. En 1881, il établit un rapport d’inspection des défenses du département, rapport ensuite exposé au Comité dont il relève. Selon ce rapport, pour la partie surplombant le littoral méditerranéen, « le nœud de la défense est situé à Taillefer-Madeloc », appellation des deux principaux sommets de la crête dominant la place de Port-Vendres. Cette crête s’élevant « comme une muraille » et ne pouvant être attaquée de front, l'aménagement du site présente dès lors l'avantage d'une dépense limitée, car il y a lieu d’y créer « seulement des ouvrages pour l’infanterie et quelques pièces légères, ainsi que des citernes ». C’est ainsi que sont organisés sur ses contreforts les ouvrages du Pic Taillefer, de la tour de Madeloc, du plateau 500 et celui plus sophistiqué du Puig de la Galline, datant de 1883.

En 1888, à l’initiative du général Bergé, commandant le 16e corps d’armée dont dépend le département, et du commandant supérieur de la Défense, la ligne de protection est ensuite étendue au sud, par l’occupation du contrefort du pic des Gascons : « Les deux positions du pic des Gascons et de la chapelle de la Salette, forment en avant de la batterie 500 et de l’ouvrage de la Galline, les extrémités d’une ligne de combat, qui serait occupée par les troupes de la défense mobile, si l’ennemi venait attaquer Port-Vendres de ce côté ». Le projet d’établissement « de deux petites batteries pour pièces mobiles » sur les deux plateaux du contrefort est alors approuvé par le ministre, les fonds alloués s’élevant à 5 100 francs.

Système Séré de Rivières et successeurs

En résumé, les étapes de ce plan de défense militaire du XIXe siècle sont donc désormais relativement connues. Vers 1888, un manuscrit militaire dont le brouillon est conservé par nos soins, reprend en effet la chronologie précitée et comprend notamment les citations du général Segrétain. Ce document énumère par ailleurs les ouvrages de défense établis sur la ligne de crête Taillefer-Madeloc : ceux-ci s’inscrivent en définitive dans le cadre du système de défense théorisé après 1870 par le général du Génie Raymond Adolphe Séré de Rivières[2], système réputé résultant des enseignements de la guerre franco-prussienne et dont le programme, poursuivi et adapté à compter de 1880 par ses successeurs[3], est donc également représenté dans les Pyrénées-Orientales.

E. PRACA

 

EXTRAIT de DOCUMENT

DEFENSE DES PYRENEES-ORIENTALES

 

« Le programme de défense ci-dessus fut approuvé par le Comité des fortifications dans la séance du 24 février 1882, puis par le Ministre (décision du 5 juillet 1882) qui fixa la dépense totale à faire à 3 000 000.

Les projets d’organisation de la ligne Taillefer Madeloc, La Galline, établis d’après les principes énoncés ci-dessus, sont approuvés par décision ministérielle du 20 juillet 1883, conformément à un avis du Comité des fortifications en date du 6 avril.

Ces projets comprenaient :

A Taillefer, un épaulement pour pièces mobiles avec abris et citerne, formé par un mur à bahut ;

A la tour de Madeloc, un réduit pour l’infanterie avec logement et citerne ;

Au nord et au sud de la tour de Madeloc, deux redoutes en pierres sèches pour l’infanterie ;

Sur le plateau 500, une batterie analogue à celle de Taillefer ;

Au Puig de la Galline, un petit fortin armé de 4 pièces, avec logement pour une garnison de 70 hommes ;

En arrière de la crête de Madeloc, un casernement avec citerne, pour 270 hommes formant la garnison de la position.

Les autres ouvrages de défense de la place, ne devaient être entrepris qu’après l’exécution de ceux ci-dessus ».

Anonyme

Vers 1888

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SOURCES

Brouillon de manuscrit intitulé Défense des Pyrénées-Orientales, anonyme, vers 1888, col. E. Praca.

POUR EN SAVOIR PLUS

Internet, Index de la fortification française 1874-1914.

PRACA E., Général Alexandre SEGRETAIN – 1826-1901, site Amis de Paulilles, rubrique Etudes.


 

[1] Base Léonore, Segrétain Côme Alexandre Théophile, dossier LH/2492/46. En 1890, ce général de division, grand officier de la Légion d'honneur, est président du Comité technique du Génie.

[2] Système Séré de Rivières, Wikipédia. Louis Pierre Jean Mammes Cosseron de Villenoisy est en 1880 le premier successeur de Raymond Adolphe Séré de Rivières à la tête du Comité des fortifications à Paris. Ce dernier est un proche d'Alexandre Segrétain : alors chef de bataillon du Génie à Metz (57), il fut en 1868 l'un des témoins à son mariage.

[3] On notera que pour les Pyrénées-Orientales, ce système peut s’appuyer sur l’existence d’anciennes tours médiévales : cf. la tour de Madeloc.