Paulilles - Fabrication de nitroglycérine - Procédé Gyttorp - 1962-1984

 

 

Jusqu’au terme des années 1930, la France ne connaît qu’un seul procédé mécanique de fabrication de la nitroglycérine, le procédé Nathan. Ce procédé discontinu consiste à fabriquer plusieurs centaines de kilos de nitroglycérine en plusieurs charges journalières, dans des appareils  successivement chargés et déchargés de leur production.

A compter de 1938 certaines dynamiteries adoptent le procédé continu de fabrication de la nitroglycérine, dit procédé Schmidt[1]. La fabrication en continu met toutefois plusieurs années à s’instaurer définitivement. La dynamiterie de Paulilles se dote pour sa part du procédé continu Gyttorp, globalement considéré comme un procédé Schmidt amélioré. Mis en place en 1962, il est conservé jusqu’en 1984.

Procédé Schmidt de fabrication continue de la nitroglycérine

Dans le procédé Schmidt, le matériel se compose d’un nitreur formé d’une cuve cylindrique généralement en acier spécial inattaquable aux acides. La glycérine tombe de la partie supérieure de l’appareil et le mélange se fait dans la partie inférieure, au moyen d’un agitateur mécanique à palettes et à hélice, provoquant le mouvement du liquide. L’évacuation de la nitroglycérine et des acides résiduaires intervient par le haut.

A côté du nitreur, un séparateur-décanteur en acier spécial opère la séparation de la nitroglycérine et des acides. De forme parallélépipédique et rempli de tôle ondulée en acier, de minces lames y effectuent une séparation très rapide des gouttelettes de nitroglycérine par centrifugation. La nitroglycérine est évacuée par un trop plein en verre fixé au sommet du séparateur, les acides résiduaires par une tuyauterie située à la partie inférieure.

Au sortir du séparateur, la nitroglycérine subit un premier lavage dans une colonne en verre ou en grès, puis une nouvelle séparation, enfin un second lavage à l’eau. Elle est dès lors périodiquement tirée et envoyée par un long tuyau à des réservoirs d’où elle peut être immédiatement soutirée. D’après les règlements, elle doit être mise en oeuvre dans la journée pour la confection de dynamites. Il n’est donc pas question de la stocker.

En définitive, selon le procédé Schmidt, la fabrication de la nitroglycérine intervient d’une façon rapide et continue. Il n’existe plus de nitroglycérine stagnante ni de transport à main, la manipulation est automatique, le transport effectué par tuyauteries. L’avantage principal est une diminution de la quantité de nitroglycérine se trouvant au même moment dans l’appareil[2].

L’appareil Schmidt est utilisé pour la première fois en France à compter de 1938 à l’usine de Cugny (Seine et Marne), par la Société Française des Explosifs. Le procédé semble ensuite appliqué aux usines de St Martin de Crau (Bouches-du-Rhône) et de Billy-Berclau (Pas-de-Calais) par la Société Anonyme d’Explosifs et de Produits chimiques[3].

Procédé Gyttorp de fabrication continue à Paulilles

La fabrication en continu de la nitroglycérine met toutefois plusieurs années avant d’être adoptée définitivement[4]. La dynamiterie de Paulilles n’utilise pas le procédé continu Schmidt ; elle emploie pour sa part le procédé Gyttorp, appliqué à l’usine de 1962 à 1984. Les procédés Schmidt et Gyttorp sont cependant analogues dans leurs principes. Dans le procédé Gyttorp, le mélange chimique dans le nitreur donne de la nitroglycérine, des acides résiduaires et de l’eau. Ce mélange est refroidi puis séparé par centrifugation.

La nitroglycérine subit également deux lavages. Elle est tout d’abord transportée par un premier courant d’eau douce servant ensuite à un filtrage, puis elle prend un deuxième bain d’eau carbonatée. Elle est enfin stockée provisoirement dans l’eau sous forme d’émulsion pour être contrôlée puis pesée. Elle est alors prête à être transformée en dynamite. Les acides résiduaires sont pour leur part conduits par tuyauterie à un atelier de séparation lente pour y être décantés[5].

Techniquement, le procédé Gyttorp présente sur le procédé Schmidt une totale automatisation. Toutes les opérations se déroulent dans des réservoirs, des tuyauteries ou des appareils jugés étanches ; toute fuite qui serait encore susceptible de se produire est canalisée vers un réceptacle muni d’un détecteur qui donne alors l’alarme et arrête l’installation.

Au-delà de cet aspect, les deux procédés soulignent l’usage croissant de l’eau douce servant désormais, pour raisons de sécurité, à la fois au lavage mais aussi au transport de la nitroglycérine en cours de fabrication. A la dynamiterie de Paulilles, comme autrefois, les eaux de transport et de lavage sont en outre rejetées en mer, après avoir néanmoins subi une « décantation dans des labyrinthes[6] ». Dans l’histoire contemporaine du site, le procédé Gyttorp renouvelle dès lors la question de l’usage industriel de l’eau, de son traitement et de ses enjeux.

E. PRACA

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SOURCES

Centre d’information interprofessionnel, Monographie Explosifs, 1943.

Rapport SNPE Ingenierie SA, Etude de l’établissement désaffecté Nobel explosifs France de Paulilles (Pyrénées-Orientales),1987.

BIBLIOGRAPHIE

PRACA Edwige, Les procédés de fabrication de la dynamite. 1870-1984. Usine de Paulilles (Pyrénées-Orientales), Conservatoire de l’Espace Littoral, Perpignan-Montpellier, 2002, partie « Equipement technique, commentaires et iconographie ».

POUR EN SAVOIR PLUS

PRACA Edwige, Paulilles - Fabrication de nitroglycérine - Procédé Nathan, Site Amis de Paulilles, Rubrique Patrimoine.

 


NOTES

[1] Dr Karl Friedrich Schmidt, à vérifier.

[2] Un appareil de 30 litres de capacité peut produire environ 250 kg de nitroglycérine à l’heure (120 litres donnent une tonne à l’heure).

[3] Centre d’information interprofessionnel, Monographie Explosifs, 1943.

[4] Site Association du Patrimoine poudrier et pyrotechnique, lettre n°16, février 2004 : sur le site poudrier d’Angoulême, le procédé Schmidt est abandonné au profit du procédé continu Gyttorp en 1981.

[5] Rapport SNPE Ingenierie SA, 1987. Ils sont ensuite recyclés ou distillés. Parmi les résidus est en particulier recueilli l’acide nitrique.

[6]  D’après Rapport SNPE Ingenierie SA, 1987.