Dynamite de Paulilles - Transports maritimes

 

Embarcadère bois et métal - Dynamiterie de Paulilles - 1887

 

Fondée au cours de la guerre de 1870 et s’inscrivant dans le cadre de la Défense nationale, l’usine de dynamite de Paulilles est construite loin du front, dans le département des Pyrénées-Orientales. Située plus précisément sur la façade maritime de la Méditerranée, celle-ci est établie au sud du port de Port-Vendres, au creux d’une anse située entre le cap Béar et le cap de l’Oullestreil. Elle prend le nom d’usine de dynamite de Paulilles en référence à l’anse marine au sein de laquelle elle est édifiée.

Créée sur ordre de mission de Léon Gambetta, la fabrique, relevant du secteur privé, a pour objet de suppléer à l’insuffisance de l’armement français expédié en province. Interdite au terme de la guerre et au retour du monopole d’Etat sur la fabrication d’armement, la dynamiterie est à nouveau activée à la suite d’une loi fondamentale de mars 1875, autorisant l’industrie privée à fabriquer de la dynamite. Elle constitue dès lors l’actif de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite fondée la même année et placée sous la présidence d’honneur d’Alfred Nobel. Sa réouverture est définitivement autorisée le 24 février 1876.

A la suite de cette remise en activité, une série d’aménagements est entreprise en lien direct avec l’espace de production afin de permettre, d’une part, le transport des matières premières et d’autre part, celui de la dynamite. Ce transport est effectué depuis Paulilles par l'ensemble des modes possibles, d’abord par mer, puis par chemin de fer et voie de terre. Se rapportant au transport par voie de mer, une note de synthèse destinée en 2004 au Conservatoire du Littoral et dont des extraits figurent ci-dessous, en évoque brièvement les aspects chronologiques et les trafics commerciaux ainsi que l’émergence d’une législation spécifique, liée aux risques générés par la dynamite.

 

Origines des transports par mer  

Deux motifs pour un mode de transport

Selon les recherches initiales, il semblait que le transport maritime fût le premier mode de transport utilisé pour la dynamite, mais en 1870-1871, la dynamite de Paulilles, commandée par le ministère de la Guerre, circule également par chemin de fer. Quoi qu'il en soit, autorisée par ce ministère, l’usine de dynamite de Paulilles est édififiée loin du front, et se trouve située à proximité de Port-Vendres, place forte maritime de Méditerranée[1]. Après le retour au monopole d'Etat en 1871, il n'existe désormais plus aucune législation autorisant l’industrie privée à transporter de la dynamite selon ces divers modes.

En conséquence de cette situation, après sa réouverture début 1876, la première décision de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite consiste à faire circuler ses produits par voie de mer, tout en appliquant à ce mode de transport et à son poste budgétaire, une dépense minimale. Cet objectif détermine dès lors le projet d'édification d'un embarcadère. En raison des contraintes administratives et militaires auxquelles est assujetti le littoral, l’aménagement du site est cependant soumis à autorisation. Le 25 mars 1876, la société obtient l'autorisation de construire sur le site de l’anse de Paulilles, un débarcadère en bois sur pilotis.

La construction d'un embarcadère pour le chargement direct des navires est ainsi autorisée, à partir de la grève située à proximité de l'usine, moyennant une redevance annuelle de 300 francs à l'Etat. Cette autorisation se ressent encore de l’influence de l’armée puisqu’elle est donnée « à condition d'en accepter la démolition à la première réquisition de l'autorité militaire ».

Par ailleurs, l’anse de Paulilles est dominée par un cap ("Cap Sud") sur lequel est rapidement construite une seconde usine de dynamite. Le ponton autorisé dessert à la fois la fois la première fabrique de l’anse de Paulilles et celle du cap voisin et se trouve situé à proximité directe des deux unités de production. Cette proximité, réduisant les distances intermédiaires entre les espaces de fabrication et d’expédition, a donc un second rôle : celui de diminuer les risques pyrotechniques liés au transport des matières sur le site même, avant leur départ vers une destination plus lointaine.

En définitive, l’embarcadère de Paulilles édifié à compter de 1876 assume une double fonction : la première est de favoriser le transport de la dynamite d’une localité à une autre par voie de mer. La seconde est de réduire les risques liés aux déplacements des matières au sein même de l’espace de production. A cet effet, l’embarcadère est construit sur le site même de l’usine, à proximité des deux fabriques, l'une originelle, l'autre étant celle du "Cap Sud".

Le premier bateau : le vapeur Le Rifle (1876-1878)

Les archives de la société révèlent le nom du premier navire utilisé pour le transport maritime. Il s’agit du bateau à vapeur Le Rifle, propriété de Paul Barbe, principal associé d’Alfred Nobel, et des administrateurs de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite, André Mialane et Berlan. Réparé à neuf en 1876, celui-ci est d’abord loué par la société à compter du 1er avril 1877 au prix de 1 000 francs par mois, puis acquis en 1878 pour un montant de 20 000 francs.

Initialement ancré à Port-Vendres, le Rifle rejoint la rade de Paulilles, après l'autorisation militaire et civile relative à l’aménagement de l’anse. Par ailleurs, le bateau assume une double fonction : assurant le remorquage et le transport des diverses matières premières, il est également chargé du fret de la dynamite.

Sa double vocation de transporteur des matières premières et du produit fini est cependant de courte durée : le navire est rapidement atteint de corrosion, principalement liée au transports des acides. Fin 1878, il est déjà prévu de le vendre dans le port de Bordeaux, en le faisant transiter par le canal du Midi. Après une tentative au cours de laquelle il apparaît que le canal n’est pas assez profond pour en permettre la navigation, celui-ci, quasi coincé sur le plan d’eau, retourne alors à quai à Port-Vendres, où il demeure dans un état de "dépérissement" qui réclame une baisse conséquente de sa mise à prix.

Une première destination : la Méditerranée

 

Anse de Paulilles - Vue générale et appontement - Avant 1904

 

La destination originelle des cargaisons est par ailleurs connue. La « presque totalité » des expéditions de dynamite se fait dans un premier temps, par cabotage en direction de Cette, Arles, Beaucaire et Marseille. La destination en Méditerranée peut également être plus lointaine.

Ainsi, le 24 février 1876, jour de l’autorisation de réouverture de l’usine de Paulilles, la loi autorisant l'industrie privée à fabriquer de la dynamite est étendue à l'Algérie. La vente de la dynamite est toutefois strictement limitée aux seules entreprises de travaux publics, exploitants de mines et de carrières de la colonie. Le décret correspondant est promulgué le 17 mai 1876[2]. Cette décision amorce le trafic entre l’usine de Paulilles et la colonie algérienne.

L’augmentation de la production et du trafic a pour conséquence la multiplication du nombre de navires occupés au transport des diverses matières mais elle a cependant aussi pour effet d’accélérer leur dégradation lors du transport des acides. Des avaries sont ainsi constatées sur l'Amazone, le Diligent, la Mathilde, dont le litige est porté devant le tribunal de commerce de Marseille.

Aussi, afin de réduire les risques de corrosion liés aux transports des acides, la société prend dans un premier temps l’initiative de construire sa propre usine d’acide sulfurique. Elle espère ainsi que la nouvelle fabrique (construite en 1880) lui permettra de « se mettre à l'abri des accidents qui nous sont arrivés cet hiver dans nos transports par mer[3] ».

Cette décision, fixant sur le site une première fabrique de matières premières, apparaît dès lors, après la création de l’embarcadère (1876), comme une solution alternative aux problèmes de transport de matières corrosives. Afin de réduire au mieux ces risques de corrosion, la société de fabrication de la dynamite implante ensuite toute une série de fabriques de matières premières sur le site de Paulilles.