Marguerite BARBE et Ernest DUPUY - Premier mariage - 1878

 

 

Château de Niré-le-Dolent - Département de la Vienne 

Propriété Ernest Dupuy père (1827-1908)

 

Fille puînée de Paul Barbe, ingénieur et promoteur de la dynamite en France[1], Marguerite Barbe épouse en premières noces le militaire Ernest Dupuy (1854-1928)[2], issu d'une famille Dupuy devenue célèbre. En réalité, ce mariage conforte tout d'abord les liens familiaux et professionnels existant entre deux branches cousines à fort ancrage lorrain, celle des Barbe-Schmitz et celle des Dupuy-Schmitz[3]

Exerçant en effet des activités dans le textile, la branche féminine des Schmitz est représentée par deux membres de cette famille. Mère du marié, Caroline Schmitz[4], d’origine nancéenne, est épouse de Paul Ernest Dupuy (1827-1908)[5], négociant et fabricant de passementerie, fournisseur pour l’armée sous le Second Empire. Aïeule de la mariée, Catherine Barbe née Schmitz[6] relève également de ce secteur d’activité.

C’est donc dans un cadre familial sécurisé que Marguerite Barbe, fille de Paul Barbe, épouse en premières noces son cousin au second degré, Ernest Dupuy, lieutenant d’artillerie. De fait, orpheline de mère depuis 1876, assistée et autorisée de son père avec lequel elle réside à Paris, Marguerite Barbe est âgée de seize ans au moment de son mariage[7], contracté en juin 1878.

Premier mariage de Marguerite Barbe – 1878

 

Cie Parisienne d'Eclairage

et de Chauffage par le Gaz - 1896

 

Marguerite Barbe apporte en dot ses vêtements, objets mobiliers et bijoux d’une valeur de 3000 francs. S’y ajoutent un ensemble de diverses créances, rente et actions : une créance de 14 000 francs, concernant des parts de propriétés sises à Paris, Liverdun et Port-Vendres, où est implantée la dynamiterie de Paulilles[8], une créance paternelle d’environ 38 000 f., une rente sur l’Etat de 2500 f., 200 actions de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite, fondée par Alfred Nobel et Paul Barbe en 1875.

Le futur époux s’est constitué en dot ses effets mobiliers, vêtements armes et bijoux d’une valeur de 2000 francs, sans autre mention de fortune. Classiquement, les capitaux du mariage peuvent être réinvestis dans les chemins de fer ou le Crédit Foncier de France, mais aussi auprès de la Compagnie Parisienne d’Eclairage et de Chauffage par le Gaz. llustrant l’importance prise par le gaz dans la capitale, cette recommandation relève en particulier de l’ingénieur Nicolas Eloi Schmitz, oncle de l’époux et témoin au mariage. Diplômé de l’école des Arts et Métiers de Châlons, celui-ci est en effet chef de service technique à la « Compagnie du Gaz » à Paris, où il exerce depuis 1861. Réputé pour ses travaux industriels, il est élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur en 1887, insigne qu’il reçoit des mains de Paul Barbe[9].

En définitive, malgré son premier divorce d’avec Ernest Dupuy survenu en 1886, Marguerite Barbe bénéficie lors de ce premier mariage d’un entourage familial stable et d’un cadre familier : elle épouse un cousin de la région nancéenne d’où elle puise également ses racines ; celui-ci est un militaire, selon le goût et la tradition paternelle, Paul Barbe étant lui-même polytechnicien. Une descendance est issue de ce mariage.

Entourage familial d’Ernest Dupuy (1854-1928)

 

Ernest R. Dupuy (1887-1975)- Annonce de 1944

du Débarquement allié en Normandie

 

L’entourage familial d’Ernest Dupuy mérite également d’être signalé. Le premier mari de Marguerite Barbe poursuit tout d’abord une carrière militaire[10] avant de rejoindre ses terres ancestrales du département de la Vienne. Le statut d’industriel de son père[11] a en effet permis à ce dernier de faire reconstruire dans un goût nouveau le château de Niré, situé sur la commune de Véniers, où il décède en 1908. Ernest Dupuy devient lui-même maire de Véniers et décède dans ce même département de la Vienne en 1928.

Après son divorce de Marguerite Barbe, Ernest Dupuy a par ailleurs épousé Anne Marie Caroline Bentmann, fille de Frédéric Bentmann et de Francisca Heidt (1889). Veuve en premières noces de Joachim Marie Pereira de Lacerda, qu’elle avait épousé en 1873 à Rio de Janeiro, celle-ci est la mère de Carlo de Lacerda, devenu ingénieur puis directeur aux mines de la Société Lorraine des Aciéries de Rombas en Moselle (années 1920-1930).

Enfin, Ernest Dupuy a pour frère aîné Paul Dupuy (1856-1946), normalien en 1876, agrégé d’histoire-géographie en 1881, surveillant général de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm (1885-1925), secrétaire général de cette école en 1904, officier de la Légion d'honneur[12]. Ce dernier est époux de Louise Marthe Lecoeur, née en 1865, fille d’architecte[13]. Il est également le frère de Georges Dupuy (1858-1935), peintre décorateur installé aux Etats-Unis puis en Angleterre. Fils de ce dernier, Ernest R. Dupuy (1887-1975), chef de presse du général Eisenhower, annonce au monde par la radio, le 6 juin 1944, le débarquement allié en Normandie[14].

Constantes et mutations

En définitive, au-delà des parcours individuels, le premier mariage de Marguerite Barbe met en évidence les industries traditionnelles ou récentes existant en 1878 : la part de l’industrie textile, en Lorraine et dans la Vienne, la mobilité de ses représentants sur le territoire national, l’essor de l’industrie du gaz et celle des mines liée à la dynamite à compter de 1875, la constante foncière, l'attrait de l'Amérique et le rôle ultime de la presse.

Le contexte né de la guerre de 1870 incite de fait à une résistance du secteur culturel, perceptible dans la diffusion d’un enseignement de haut niveau, concomitant toutefois d’un essor des options militaires. A un mois d'intervalle, Pauline Barbe, soeur aînée de Marguerite, épouse également un militaire. Depuis l'Amérique, avec Richard Ernest Dupuy (1887-1975) et son fils Trévor Nevitt Dupuy (1916-1995), tous deux devenus historiens et militaires de notoriété internationale, certaines facettes de cette histoire perdurent jusqu’à l’époque contemporaine, dont le XXe siècle illustre la continuité.

E. PRACA

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SOURCES

Archives de la Ville de Paris : mariage Dupuy/Barbe.

POUR EN SAVOIR PLUS
 
Sur la carrière militaire d'Ernest Dupuy, premier époux de Marguerite Barbe : Le Souvenir Français.
Sur la carrière militaire de Trevor Nevitt Dupuy : Wikipedia

DESCENDANCE DE PAUL BARBE

PRACA E., Marguerite BARBE et Samuel Serge VORONOFF - Mariage - 1896, site Amis de Paulilles, rubrique Patronat.
PRACA E., Pauline BARBE et Eugène Sylvestre BUISSON D’ARMANDY - Mariage - 1878,  site Amis de Paulilles, rubrique Patronat.
PRACA E., Andrée BARBE et Claude FORESTIER - Premier mariage - 1882, site Amis de Paulilles, rubrique Patronat.
 

 

[1] Paul BARBE (1836-1890), chevalier de la Légion d’honneur, associé d’Alfred NOBEL, inventeur de la dynamite. Promoteurs de la dynamiterie de Paulilles, dans les Pyrénées-Orientales.

[2] Henri François Valère Ernest DUPUY (1854-1928). Né à Marseille (Bouches-du-Rhône), décédé à Loudun (Vienne).

[3] Caroline Thérèse DUPUY-SCHMITZ, fille de François SCHMITZ, et Paul BARBE, fils de Catherine SCHMITZ, sont cousins. Les DUPUY sont originaires de la Vienne, département textile au XIXe s.

[4] Caroline Thérèse SCHMITZ (1827-1905). Née à Nancy (Meurthe et Moselle), décédée à Niré (Vienne).

[5] Paul Ernest DUPUY (1827-1908). Né à Loudun (Vienne), décédé à Niré (Vienne).

[6] Catherine SCHMITZ (1797-1881).

[7] Marguerite Léonie Caroline BARBE, née en 1862.

[8] Liverdun : Meurthe et Moselle dans l’est de la France ; Port-Vendres et Paulilles : Pyrénées-Orientales.

[9] Nicolas Eloi SCHMITZ (1823-1898), frère de Caroline Schmitz, oncle d’Ernest Dupuy : Dossier LH, site Internet Léonore, LH/2383/39 et JO du 14-7-1887. Le patrimoine de Marguerite Léonie Caroline Barbe comprend en 1887, 75 actions de la Cie du gaz, d’une valeur de 75 350 frs.

[10] Ernest DUPUY, chevalier LH en 1895, officier en 1916 : site Léonore, dossier LH/863/2.

[11] Paul Ernest DUPUY, mentionné en 1885 comme industriel, in acte de mariage de son fils Paul Marie, normalien.

[12] Paul Marie DUPUY (1856-1946), né à Loudun (Vienne) le 18-1-1856, décédé le 17-3-1946 à Genève (Suisse) : cf Wikipédia. Professeur passé du lycée de Bayonne au lycée Louis le Grand de Paris en 1880, chevalier LH en 1895, officier en 1919 : site Léonore, dossier 19800035/0246/32673.

[13] Du mariage de Paul DUPUY avec Louise Marthe LECOEUR sont connus 3 enfants : Pierre Raymond Charles, né à Paris le 3-5-1887; Marie Thérèse Charlotte, épouse MAURETTE, née à Paris le 28-9-1890 (cf Wikipédia); Michel Marie Joseph, né à Paris le 23-5-1892. Le premier témoin à l'acte de naissance de Marie Thérèse DUPUY (1890-1989) est le sculpteur Gabriel FARAILL (1837-1892), 53 ans, domicilié 12 rue Boissonnade à Paris, originaire des Pyrénées-Orientales. Selon Wikipédia, la rue Boissonnade (actuelle Boissonade, 14e) est alors et demeure une pépinière d'artistes.

[14] « Le Château de Niré-le-Dolent a traversé les époques », mise en ligne d’un article de La Nouvelle République, 18-8-2011 ; « La petite histoire loudanaise du Débarquement », mise en ligne d’un article de La Nouvelle République,  5-6-2014.