Nitroglycérine à Paulilles - Consignes de l'atelier de nitration - vers 1930

 

Paulilles - Dispositif de noyage de la nitroglycérine - Robinetterie

 

Dans les années 1930, la production de nitroglycérine s’effectue classiquement par l’introduction de glycérine et de saumure dans un mélange d’acides. Selon le procédé Nathan alors en cours, cette masse est brassée par injection d’air comprimé. Les consignes de cette période soulignent dès lors le rôle de l’air comprimé dans le procédé de fabrication et le couplage de ce dispositif avec celui de sécurité alors existant.

Manœuvres de robinetterie et dispositif de noyage

En amont de la production, le nitreur doit tout d’abord vérifier le système de robinetterie de l’air comprimé et s’assurer du bon couplage de ce dispositif avec celui de noyage. Une cuve remplie d’eau sert en effet au noyage de la nitroglycérine, lorsque sa température de préparation atteint un seuil critique entraînant l’explosion. Un jeu de chaînes relie alors les pistons à air comprimé à deux robinets principaux dont le nitreur doit vérifier le bon accrochage, de façon à ce que l’admission d’air comprimé provoque la fermeture du robinet des acides résiduaires et l’ouverture du robinet de la cuve de noyage.

Au cours de la fabrication, les consignes précisent ensuite les seuils de températures à respecter et l’ordre des étapes de fabrication. Le nitreur doit alors s’assurer de la bonne circulation de l’air comprimé et de la surveillance de sa canalisation. En cas d’accident à la canalisation normale et d’arrêt de l’air comprimé, il doit activer l’ouverture des réservoirs d’air de secours et prévenir le service des machines, afin de permettre le rétablissement rapide de la circulation d’air.

Si toutefois la nitroglycérine atteint le stade de décomposition, le nitreur doit provoquer l’ouverture du robinet de la cuve de noyage. Cette intervention se fait au sein de l’atelier de nitration. Toutefois, si le robinet de noyage ne peut être ouvert avant évacuation de l’atelier, il peut être ouvert à distance, en agissant sur des robinets d’air comprimés placés dans des refuges. Ces refuges ménagés en cas de danger sont situés à la sortie du tunnel d’accès à l’atelier.

Consignes de maintenance et supplément d’information

 

Paulilles - Dispositif de noyage de la nitroglycérine - Schéma
 

Outre l’arrêt accidentel d’air comprimé, la consigne passe en revue divers impondérables : nitroglycérine répandue sur le sol, requérant un lavage immédiat à l’eau chaude carbonatée ; cas d’orage qui, s’il n’entraîne pas l’arrêt de l’opération en cours, interdit d’en commencer une autre. L’entretien courant requiert également de la part de l’ouvrier le nettoyage complet de la cuve de lavage, avant le commencement d’une nouvelle opération.

Les consignes mentionnent par ailleurs le rôle du service des machines, chargé de l’entretien et des réparations, qui ne doit pas intervenir avant que toutes dispositions de sécurité n’aient été prises par le chef de fabrication. Parmi les risques sanitaires figure enfin celui d’inhalation de vapeurs nitreuses. Le terme de vapeurs nitreuses désigne des vapeurs résiduelles toxiques provenant de l’utilisation de l’acide nitrique dans la fabrication de la nitroglycérine. Dans les années 1930, « Si un ouvrier est indisposé, il ne doit pas prendre part ni aux opérations de nitration, ni au transport de la nitroglycérine et le chef nitreur doit le faire sortir de l'atelier ».

En définitive, les consignes pour l’atelier de nitration définissent le comportement à adopter par le personnel de cet atelier. Elles explicitent notamment son intervention dans le fonctionnement du système d’air comprimé et plus largement dans le cadre de la sécurité du site industriel de Paulilles. Elles justifient enfin les illustrations techniques relatives au noyage de la nitroglycérine et à sa robinetterie, dont elles sont concomitantes, en leur procurant un supplément d’explication.

E. PRACA

 

DOCUMENT - vers 1930

Consignes pour l'atelier de nitration

 

"(…) Pendant toute la durée de l'opération, les chaînes reliant aux pistons à air comprimé, le robinet de noyage et le robinet des acides résiduaires, doivent rester accrochées de façon que l'admission de l'air comprimé dans les cylindres provoque l'ouverture du robinet de noyage et la fermeture du robinet des acides résiduaires.

Après introduction du bain de nitration, l'acide neuf restant dans la conduite sera évacué dans l'appareil, en admettant dans cette conduite un volume égal d'acide résiduaire.

Le bain de nitration sera porté à une température de + 12° avant qu'on fasse couler la glycérine.

Ne nitrer qu'à des températures ne dépassant pas 25° centigrades en agitant sans interruption au moyen de l'air comprimé.

Après écoulement complet de la glycérine, retirer le distributeur, verser dans le mélange la solution de fluorure de sodium et continuer l'agitation pendant 7 minutes.

Arrêter la saumure lorsque la température du mélange est tombée entre 15 et 17°.

1° - Si la température vient à dépasser 25°, arrêter complètement le coulage de la glycérine.

Si malgré l'arrêt du coulage de la glycérine, la température continue à monter et s'il apparaît des vapeurs vitreuses, ce qui indique qu'il se produit une décomposition, noyer l'opération dans la cuve de noyage en ouvrant le robinet de noyage. Évacuer l'atelier après avoir ouvert le robinet de noyage.

2° - Dans le cas où, pour une cause quelconque, l'atelier aurait été évacué sans que le robinet de noyage ait pu être ouvert, provoquer son ouverture en agissant sur des robinets d'air comprimé disposés à cet effet dans les tunnels et les refuges ménagés à la sortie du tunnel.

3° - En cas d'accident à la canalisation normale et d'arrêt de l'air comprimé, utiliser l'air des réservoirs de secours ; arrêter le coulage de la glycérine, retirer le distributeur, prévenir le service des machines, arrêter la saumure quand l'agitation cesse et noyer si l'air comprimé ne peut être rapidement rétabli.

4° - Laver la nitroglycérine jusqu'à ce qu'elle soit neutre au tournesol.

5° - Eviter autant que possible de répandre de la nitroglycérine sur le sol. Dans le cas où la nitroglycérine aurait été répandue, nettoyer immédiatement avec de l'eau carbonatée chaude, les endroits souillés après avoir absorbé à l'aide d'une éponge la plus grande partie de nitroglycérine.

6° - En cas d'orage, tenir soigneusement fermées les portes et les fenêtres. Ne pas nitrer ou, si une opération est en cours, la terminer et ne pas en commencer une autre.

7° - Il est formellement interdit de commencer une opération dans un appareil dont le laveur n'est pas totalement débarrassé de la nitroglycérine provenant de l'opération précédente.

8° - Si un ouvrier est indisposé, il ne doit pas prendre part ni aux opérations de nitration, ni au transport de la nitroglycérine et le chef nitreur doit le faire sortir de l'atelier.

9° - Interdire l'entrée de l'atelier à toute personne étrangère pendant qu'il s'y trouve de la nitroglycérine.

10° - Aucun travail d'entretien ou de réparation ne doit être entrepris sans que le chef de fabrication n’ait fait prendre toutes les précautions nécessaires".

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SOURCES

 « Consignes pour l’atelier de nitration », p.2-3, Paulilles, sd. [vers 1930]. Archives privées.

BIBLIOGRAPHIE

PRACA Edwige, Les procédés de fabrication de la dynamite. 1870-1984. Usine de Paulilles (Pyrénées-Orientales), Thème 3, Conservatoire du Littoral Languedoc-Roussillon, Montpellier-Perpignan, 2002, partie Equipement technique. Commentaires et iconographie.

POUR EN SAVOIR PLUS

PRACA Edwige, Paulilles - Fabrication de nitroglycérine - Procédé Nathan, site Amis de Paulilles, rubrique Patrimoine.

PRACA Edwige, Nitroglycérine à Paulilles. Consignes particulières de la nitration. 1956, Site Amis de Paulilles, rubrique Risques, partie Protection sociale.