Dynamiterie de Paulilles - Enjeux et méfaits du glycol

 

 

Dans les années 1920, la synthèse de la nitroglycérine s’effectue à partir d’un mélange d’acides sulfurique et nitrique auquel sont ajoutés de la glycérine et un produit antigel, le glycol. Ultérieurement, l’usine de Paulilles procède à une augmentation de la teneur en glycol entrant dans la composition de la nitroglycérine, jusqu'à hauteur de 70% du mélange. Des « difficultés » surviennent alors avec la main d’œuvre au cours de la seconde phase de préparation, celle du pétrissage de la dynamite.

Ventilation - Une vieille question

Nécessitant une ventilation spéciale des ateliers de pétrissage et cartoucheries, les émanations de glycéroglycol provoquent en effet une dégradation des conditions de travail, entraînant malaise et grogne parmi la main d’œuvre ouvrière. Celle-ci intervient en outre lors d’une période de crise où les transports sont suspendus entre Paris et la province, au cours d’un printemps dont le cadre chronologique reste à préciser[1].

Après plusieurs contacts entre l’usine et la direction de la société à Paris, celle-ci donne des directives dans une note envoyée à Paulilles. L’entreprise doit procéder à l’installation d’une ventilation soit provisoire soit définitive des ateliers de pétrissage, et tout au moins faire l’essai d’un ventilateur. Cette question de la ventilation dans les ateliers d’explosifs s’avère toutefois très ancienne, puisque que remontant au XIXe siècle, elle préoccupe déjà à cette époque les milieux hygiénistes.

Prime de risque au glycol

Par ailleurs et surtout, la direction de la société suggère l’instauration d’une prime, liée à l’exposition au glycol. Cette prime progressive serait « déjà intéressante à 40 % de glycol » et susceptible de « tenter » les pétrisseurs à 70 %. Concernant uniquement les pétrisseurs, et procédant donc d’une division supplémentaire du travail, la tentation financière apparaît dès lors comme une arme de la direction. La prime au glycol sera effectivement instaurée, marquant une nouvelle victoire et un contrôle de la direction sur la main d’œuvre locale.

Toutefois, la prime financière n’exclut pas la survenue de maladies, pouvant se déclarer dans un délai de quatre jours suivant l’arrêt de l’exposition à l’agent toxique et pouvant aller jusqu’à l’infarctus. Cette pathologie cardiovasculaire résultant de l’exposition aux dérivés nitrés des glycols et glycérol fait dès lors l’objet d’une longue action en reconnaissance, avant de figurer au tableau des maladies professionnelles, par un décret du 2 février 1983. 

E. PRACA

 

 DOCUMENT

Direction générale - Note pour Paulilles

Pétrissage de la dynamite - Difficultés avec la main-d'oeuvre

 

"Suite à votre note PF V1511 du 24 mai, votre télégramme du 29 mai, votre note PF V1550 du 3 juin, et votre note PF V1551 du 3 juin « J’ai lu avec le plus grand soin, toute la documentation que vous m’aviez communiquée à ce sujet, et d'après les renseignements que vous m'avez donnés, est également d'après ce que j'ai pu obtenir auprès de l'Anonyme, il semble que ce soit la forte teneur en glycol dans notre mélange glycéroglycol, qui soit la cause de toutes les difficultés rencontrées. »

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Par ailleurs, la Société Anonyme se préoccupe de supprimer les ennuis causés par l'augmentation de la teneur en glycol en améliorant les conditions de travail.

Pour cela il faut envisager l'installation d'une ventilation dans les ateliers de la dynamiterie, en envoyant de l'air frais sous une pression de quelques millimètres, dans ces ateliers, et dans la cartoucherie ; le refroidissement de l'air est fait par de l'eau froide pour abaisser sa température de 40 à 30° environ.

Je pense que dès à présent, vous devriez envisager une installation de ce genre, mais qu'en attendant cette réalisation, vous pourriez peut-être, avec des moyens de fortune, améliorer l'état atmosphérique des ateliers de pétrissage. Une solution pourrait peut-être être obtenue en envoyant simplement de l'air frais pris à l'extérieur de l'atelier, par un simple ventilateur, il est probable que cette solution assez simple, améliorerait déjà beaucoup l'atmosphère de ce pétrissage.

Dans tous les cas, je vous demande de bien vouloir faire des essais, et étant donné les difficultés de liaison avec Paris, de prendre toutes les mesures voulues pour réaliser d'urgence la solution qui vous semblerait acceptable, soit qu'il s'agisse d'une solution provisoire, soit qu'il s'agisse d'une solution ayant un caractère plus définitif.

Pour ce qui est des pétrisseurs, je pense qu'il y aurait peut-être lieu de créer une prime, en tenant compte de la teneur en glycol du mélange employé, cette prime pourrait partir de Zéro, avec de la glycérine pure, être déjà intéressante à 40 % de glycol et susceptible de tenter vos pétrisseurs à 70 %.

Peut-être faudrait-il tenir compte de la température qui aggrave l'influence des vapeurs de nitroglycol.

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Nous pourrions peut-être vous aider de Paris ; surtout pour la question ventilation et aération, en vous faisant étudier par des spécialistes, les idées que vous pourriez avoir, et en essayant peut-être de vous procurer du matériel, car je pense que les transports ne seront pas définitivement suspendus".

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SOURCES

Direction générale, "H.M.B. 1751 PG. 13 MB/M - Note pour Paulilles - Pétrissage de la dynamite - Difficultés avec la main-d'œuvre", sd., 1 feuille dactylographiée. Archives privées.

Le tableau des maladies professionnelles et le classement de la pathologie au glycol nous ont été signalés par les médecins de la Sécurité Sociale de Perpignan, que nous remercions ici.

POUR EN SAVOIR PLUS

PRACA Edwige, Une antiquité : le seau à dégeler la dynamite, Site Amis de Paulilles, Rubrique Patrimoine.


[1] Epoque du Front Populaire ?, à vérifier.