Paulilles : décret présidentiel autorisant la dynamiterie - 1876

 

 

Le 8 mars 1875, l'Assemblée Nationale adopte une loi stipulant que, par dérogation au monopole d'Etat sur la fabrication des poudres, la dynamite et les explosifs à base de nitroglycérine peuvent être fabriqués dans des établissements particuliers. Le 24 août de la même année, un décret présidentiel porte règlement d'administration publique pour l'exécution de la nouvelle loi. Celui-ci précise la procédure à suivre pour obtenir l'autorisation d'établir une dynamiterie : les entreprises doivent constituer un dossier de demande d'autorisation sur lequel il sera à nouveau statué par un décret du président de la République.

Cette procédure est suivie par la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite, créée le 12 juillet 1875 à Paris et ayant pour but la remise en exploitation de la dynamiterie de Paulilles (Pyrénées-Orientales). Une demande d'autorisation est déposée le 1er août 1875. Le décret présidentiel autorisant cet établissement est rendu le 24 février 1876. Il énonce notamment les conditions matérielles dans lesquelles doit être édifiée la dynamiterie, dans un but de sauvegarde de la sécurité collective.

E. PRACA 

 

DOCUMENT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

N° 5197. — Décret qui autorise l'établissement d'une Fabrique de Dynamite à Paulilles (Pyrénées-Orientales)

Du 24 Février 1876.

 

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

Sur le rapport des ministres de l'agriculture et du commerce, de 1’intérieur, des finances et de la guerre;

Vu la loi du 8 mars 1875, sur la poudre dynamite, et le décret du 24 août suivant, rendu pour l'exécution de cette loi;

Vu la demande déposée, le 1er août 1875, à la préfecture des Pyrénées-Orientales, par le sieur Barbe, au nom de la Société générale pour la fabrication de la dynamite, dont le siège social est à Paris, rue d'Aumale n°17, ladite demande tendant à obtenir l'autorisation d'établir à Paulilles, près Port-Vendres (Pyrénées-Orientales), une fabrique de dynamite, à laquelle serait annexée une fabrique d'acide nitrique pour la fabrication de la nitroglycérine;

Vu les plans annexés à ladite demande;

Vu les pièces de l'enquête à laquelle cette demande a été soumise;

Vu la délibération du conseil de préfecture des Pyrénées-Orientales, en date du 6 novembre 1875;

Vu l'avis du préfet des Pyrénées-Orientales, du 10 du même mois;

Vu l'avis du comité consultatif des arts et manufactures, en date du 2 février 1876;

La section des travaux publics, de l'agriculture, du commerce et des affaires étrangères du Conseil d'État entendue,

Décrète :

ART. 1er. La Société générale pour la fabrication de la dynamite, dont le siège social est à Paris, rue d'Aumale, n° 57, est autorisée à établir à Paulilles, près Port-Vendres (Pyrénées-Orientales), une fa­brique de dynamite, à laquelle sera annexée une fabrique d'acide nitrique pour la fabrication de la nitroglycérine.

Cette autorisation est accordée sous les conditions suivantes :

1. - La fabrique occupera l'emplacement et aura les dispositions in­diqués aux plans annexés au présent décret.

Il n'y pourra être fait de changements qu'avec l'approbation du préfet des Pyrénées-Orientales. Si les changements affectaient, d'une manière sensible, l'importance ou la disposition des établissements, ils devraient être préalablement soumis à l'approbation du ministre de l'agriculture et du commerce.

2. - Les ateliers seront isolés les uns des autres et isolés du voisi­nage au moyen de levées en terre ayant la force indiquée sur les plans du demandeur et atteignant le niveau supérieur de la toiture des ateliers.

3. - Les ateliers seront construits en matériaux légers. Les toitures seront aussi légères que possible et peintes en blanc, de façon à ab­sorber le moins possible les rayons solaires.

4. - Les opérations seront fractionnées, ainsi qu'il va être dit, et s'effectueront dans des ateliers indépendants, afin de localiser et li­miter les effets d'un accident, s'il venait à s'en produire, savoir :

A. Fabrication de l'acide nitrique; B. fabrication et purification de la nitroglycérine; C. fabrication de la dynamite; D. mise en cartouches; E. emballage des cartouches; F. emmagasinage dans les lieux de dépôt ou poudrières.

5. - La fabrication de l'acide nitrique sera conduite de façon à ab­sorber complètement les vapeurs nitreuses;

6. - La fabrication de la nitroglycérine s'effectuera à une température ne dépassant pas vingt-cinq degrés centigrades. Des thermo­mètres disposés dans les appareils et placés sous la surveillance cons­tante d'un chef d'atelier permettront de modérer à tout instant la température. En outre, des moyens de vidange seront ménagés pour que les matières en voie de réaction puissent être immédiatement noyées et rendues inoffensives, si la température venait à s'élever et à faire craindre une explosion;

Les appareils de fabrication et d'épuration de la nitroglycérine seront disposés les uns au-dessous des autres, de manière à ce que les matières circulent par le seul effet de la pesanteur et sans qu'il soit nécessaire de les reprendre et transporter à la main.

La nitroglycérine terminée sera reçue dans des vases non métalliques.

7. - L'absorption de la nitroglycérine s'effectuera immédiatement, au fur et à mesure de la fabrication, et la conversion en dynamite suivra sans interruption.

La mise en cartouches aura lieu dans des ateliers dont la température ne soit jamais inférieure à douze degrés centigrades

Des thermomètres indicateurs seront placés dans les ateliers où se prépare la dynamite et dans ceux où elle est mise en cartouches;

8. - Les appareils pour la fabrication de la nitroglycérine seront au nombre de deux, dont un de rechange. Il ne pourra être produit plus de trois cents kilogrammes de nitroglycérine par opération,

La fabrication de la dynamite s'exercera sur cent kilogrammes de  matière, au maximum.

La mise en cartouches emploiera des lots de dynamite de vingt-cinq kilogrammes, au maximum, dans la cartoucherie mécanique, et de cinquante kilogrammes, au maximum, dans la cartoucherie à la main.

9. - Le nombre maximum d'ouvriers des deux sexes employés dans chaque atelier sera : de six, dans l’atelier pour la fabrication de la nitroglycérine ; de deux, dans le local où la nitroglycérine est incorporée aux matières absorbantes ; de quatre, dans celui où la dynamite est tamisée; de six, dans chacune des cartoucheries mécaniques, de douze, dans chacune des cartoucheries à la main.

Dans les autres parties de l’usine, le nombre d'ouvriers variera selon les besoins.

Chaque atelier de fabrication sera dirigé par un chef d'atelier qui aura la responsabilité des opérations.

10. - Toutes les opérations seront accomplies exclusivement à la lumière du jour.

A la fin de chaque journée, aucune matière explosible, fabriquée ou en cours de fabrication, ne devra exister dans aucun des ateliers susmentionnés.

Un nettoyage général aura lieu chaque soir, de manière que, le lendemain, la fabrication soit reprise sur de nouveaux frais, comme si aucune opération n'avait eu lieu la veille.

11. - Les opérations seront suspendues pendant les forts orages où l'on pourrait craindre que la foudre ne produisît des ébranlements susceptibles d'entraîner l'explosion des matières.

12. - Les matières employées dans l'usine sont : l’acide sulfurique, l'acide nitrique, la glycérine, et, en outre, des matières absorbantes de nature indéterminée, mais dont la nomenclature sera fournie à toute réquisition de l'autorité préfectorale.

13. -  Toute introduction de glycérine devra être préalablement déclarée aux employés chargés de la surveillance de la fabrique;

14. - Les expéditions de dynamite au dehors de la fabrique ne pourront avoir lieu que de jour, et les déclarations d’enlèvement devront spécifier la proportion normale de nitroglycérine que la dynamite contient.

ART. 2. L'autorité supérieure pourra toujours prescrire, le fabricant entendu, telles autres mesures qui paraîtraient utiles, pour sauve­garder la sécurité publique ou les intérêts du trésor, au point de vue de la perception de l'impôt.

L'exploitant sera, d'ailleurs, tenu de se conformer à toutes les prescriptions édictées par la loi du 8 mars 1875 et par le règlement du 24 août 1875, ainsi qu'aux lois et règlements qui régissent les établissements dangereux, insalubres et incommodes de première catégorie.

ART. 3. Les ministres de l'agriculture et du commerce, de l'intérieur, des finances et de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le con­cerne, de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 24 Février 1876.

Signé Mal DE MAC MAHON.

Le Ministre de l’agriculture et du commerce

Signé, C. DE MEAUX.

 

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SOURCES

ADPO - Archives départementales des Pyrénées-Orientales, 2001PER295, bulletin des lois n°302, décret n°5197 du 24-2-1876.

BIBLIOGRAPHIE

Extrait de : PRACA Edwige, Le site de Paulilles à la croisée de l'histoire internationale et de l'histoire locale (1865-1875), partie "Annexes", Conservatoire du Littoral Région Languedoc-Roussillon, Montpellier, 2002.
 
POUR EN SAVOIR PLUS
 
Article :Fondation de l'usine de Paulilles - Chronologie (1865-1876), site Amis de Paulilles, rubrique Patrimoine.

PRACA Edwige, Implantation de la dynamiterie de Paulilles - 1865-1875 - Histoire, in Le site de Paulilles à la croisée de l'histoire internationale et de l'histoire locale (1865-1875), Conservatoire du Littoral Région Languedoc-Roussillon, Montpellier, 2002.