Machines Winterthur à Paulilles - 1916

 

Machines Winterthur - Paulilles - 17 septembre 1916

 

Parmi le patrimoine technique de l’usine de dynamite de Paulilles figurent des machines de marque Winterthur, dont une photographie a été conservée. Datée de 1916, cette photographie appartient à la série composant l’exposition intitulée Paulilles : Dynamite et guerre de 1914-1918. Non légendée par ailleurs, cette vue a nécessité quelques recherches, effectuées à partir de la marque de fabrique visible sur une machine.

 

Marque Winterthur : une fabrication suisse

La marque de fabrique Winterthur est celle de la Société suisse pour la construction de Locomotives et de Machines qui, en 1871, établit son usine dans la ville de Winterthur, située en Suisse dans le canton de Zurich. Cette entreprise est également connue sous le sigle SLM, abréviation de la Société des Locomotives et des Machines. Celle-ci développe tout d’abord la fabrication de locomotives d’une haute qualité technique, fondant sur cette fabrication une réputation et une notoriété de longue durée.

Dans un second temps, l’entreprise s'occupe également de la construction de moteurs, généralement employés pour la production d'énergie électrique. Adoptée en 1896, cette branche d’activité se développe progressivement, jusqu’à constituer un domaine de fabrication très étendu[1]. De fait, selon ses annonces publicitaires, l’entreprise produit une gamme variée de machines motrices et de moteurs, conçus à un ou plusieurs cylindres et destinés à produire un ou plusieurs effets.

Photographie de Paulilles en 1916

Prise en 1916, la photographie de Paulilles présente deux de ces machines. Au premier plan figure un moteur muni de ses larges courroies de transmission et d’entraînement, ceignant les roues métalliques de l’appareil. Cette prise de vue complète donc en la précisant l’iconographie publicitaire de l’entreprise, où les moteurs sont habituellement présentés dépourvus de leurs courroies de transmission.

En arrière plan figure une seconde machine, équipée d’une échelle et d’une plate-forme d’accès. Sur cette dernière est juché un ouvrier actionnant l’électricité : de cette allumage électrique témoignent les halos émis par les lampes latérales visibles sur les murs de l’atelier, ainsi que par un plafonnier invisible. Cette prise de vue témoigne donc du renouvellement de l’équipement technique sur le site de Paulilles en 1916 et de l’importance croissante accordée au secteur de l’électricité.

Georges Angst, ingénieur des Arts et Manufactures

Publicité Winterthur - Georges Angst - Concessionnaire

 

De fait, la Première Guerre Mondiale ne freine pas mais semble au contraire favoriser la croissance de l’entreprise suisse. En 1900 en effet, l’usine de la société s’étend sur un terrain d’une superficie de près de 9 hectares et emploie 1200 ouvriers. Dans les années 1920, ce sont plus de 3000 ouvriers qui y travaillent[2]. Les livraisons de machines s’effectuent dès lors dans le monde entier.

En France, la société dispose d’un concessionnaire à Marseille : Georges Angst (1874-1944), ingénieur civil, membre de la Société des ingénieurs civils de France à compter de 1906[3]. Aux origines, l’entourage familial de ce dernier témoigne d’une grande mobilité. Son père Ferdinand Angst, négociant et son épouse Joséphine Dorrepaal, se sont en effet mariés à Amsterdam en 1873. Leur fils, Georges Angst, voit pour sa part le jour à Marseille en 1874[4]. Formé à Paris, celui-ci devient ingénieur diplômé de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures, promotion 1895[5].

Georges Angst, représentant Winterthur en France

Fixée dans la capitale phocéenne, la famille se partage également entre la Suisse et la France où Léonore Angst, sœur de Georges, se marie à Zurich en 1900[6]. Cet ancrage familial sur le territoire suisse explique probablement le recrutement de ce dernier par la Société des Locomotives et des Machines. Georges Angst devient plus largement concessionnaire exclusif de cette société en France, qu’il représente à Paris et à Marseille.

A cette carrière s'ajoute une notabilité marquée. Marié à Nîmes en 1910, président de la chambre de commerce suisse à Marseille en 1922, il est élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur sur proposition du ministre des affaires étrangères en 1928[7]. En 1931, il est nommé consul de Suisse à Marseille, fonction autrefois occupée par son père, Ferdinand Angst[8]. Il décède à Marseille en 1944 à l’âge de 70 ans[9].

En définitive, la double concession commerciale, à la fois méridionale et parisienne accordée à cet ingénieur par la Société des Locomotives et des Machines, explique les contacts qui ont pu s’établir entre Marseille et Paulilles, dont le siège social est situé à Paris et le site dynamitier en bord de Méditerranée.

Conclusion : un patrimoine photographique

En termes de patrimoine, se remarque enfin à Paulilles la haute salle accueillant les machines Winterthur, couronnée à son sommet d’une armature métallique constituée de poutrelles sur lesquelles coulissent des chaînes. Il reste désormais de cette élévation et de son équipement la trace photographique de 1916, que cette approche tend brièvement à expliciter.

E. PRACA

 

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POUR EN SAVOIR PLUS

Sur Georges Angst et la Société suisse pour la construction de Locomotives et de Machines :

Dodis.ch - Documents Diplomatiques Suisses

SOURCES

Illustration : fonds iconographique B. Hueber que nous remercions ici.

EXPOSITION

A noter : l'exposition "Paulilles - Dynamite et Guerre de 1914-1918" est prolongée jusqu'au 2 novembre 2015.

 


NOTES

[1] Site Internet :  Les Centraux ; Histoire Centrale.

[2] Site Internet concernant le patrimoine ferroviaire du Liban.

[3] Annuaire des ingénieurs civils, 1907, p.117.

[4] A.D. Bouches du Rhône, naissances Marseille, 5,07,1874, acte naissance n°1041 du 21-7-1874.

[5] Annuaire Ingénieurs Arts et Manufactures, 1965, p.162.

[6] Journal La Vedette (Marseille), 16-6-1900 : Léonore Angst épouse à Zurich Adolphe Hofman.

[7] JO, 21-8-1928 ; Journal des Débats politiques et littéraires 23-8-1928.

[8] Journal suisse L’Impartial, 22-4-1931. Selon cet article, Georges Angst appartient à une famille suisse établie "depuis longtemps" à La Chaux-de-Fonds.

[9] L’Impartial, 12-5-1944.