Chaux et ciments de Nîmes à la dynamiterie de Paulilles - 1907

 

Usine à chaux et ciments des Trois-Ponts - Côté nord - Nîmes - 1907

 

Fondée vers 1882 dans le département du Gard et située plus précisément route d'Uzès à Nîmes, l’usine à chaux des Trois-Ponts bénéficie d’une assise technique innovante[1]. Au début du XXe siècle, cette usine comprend deux carrières attenantes dont les calcaires apparaissent de compositions différentes. En 1902, son patrimoine s'étend au site de Saint-Césaire[2], dont les carrières sont pour leur part situées dans le quartier du Moulin. S’y ajoutent un entrepôt situé à la Bégude du Pont St Nicolas, ainsi que des bureaux également situés route d’Uzès, dans la cité nîmoise.

Créée par le dénommé Ferdinand Martin, cette entreprise a pour successeur Louis Morache, tout d’abord directeur de la dynamiterie de Paulilles (Pyrénées-Orientales), puis exploitant et fabricant de chaux et ciments aux usines gardoises. Une brève correspondance témoigne dès lors du rapport établi par Louis Morache entre l’industrie de la dynamite et celle des chaux et ciments nîmois.

Louis Morache, directeur de la dynamiterie de Paulilles

Né en 1862 à Nîmes, Louis Morache est le neveu du banquier Emile Mercet, devenu président de la Société Centrale de Dynamite à compter de 1892. A la faveur de ces liens familiaux, il devient dans le même temps directeur de la dynamiterie de Paulilles, ces nominations s’inscrivant dans le cadre des mutations consécutives à l’affaire de Panama.

Ingénieur des arts et manufactures, précédemment sous-directeur des usines à gaz de Dijon, Alger et Oran, Louis Morache demeure ingénieur et directeur de la dynamiterie de Paulilles une douzaine d’années, de 1893 à 1906. En 1907, il succède définitivement à la veuve Martin, comme fabricant de chaux et ciments aux usines des Trois Ponts et de St Césaire. Fort opportunément, son ancienne fonction à Paulilles est à l’origine de l’emploi des productions de chaux et ciments des Trois-Ponts sur le site dynamitier.

Chaux de Nîmes à Paulilles : une utilisation de circonstance

En 1907, Louis Morache entame en effet une nouvelle campagne publicitaire pour son entreprise. Celle-ci se déclare alors « fournisseur du Génie, de la voirie départementale, des cies de chemins de fer et des grandes administrations ». Selon un procédé habituel, elle utilise à titre de propagande commerciale, diverses attestations émanant de sa clientèle. Ainsi en est-il de courriers établis par des architectes nîmois[3], par la société de Constructions Industrielles Paufique Frères ou la Compagnie des chemins de fer de Camargue.

Tel est également le cas de la Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite. Un courrier établi à Paulilles le 12 février 1907 atteste en effet de l’emploi des chaux et ciments des Trois Ponts à la fabrique de dynamite des Pyrénées-Orientales : « J’ai le plaisir de vous informer que vos produits, chaux et ciments, que nous avons adopté dans notre usine nous donnent pleine et entière satisfaction » souligne cette correspondance. Le texte en est signé par Georges Wolf, directeur et successeur de Louis Morache à la dynamiterie de Paulilles, près de Port-Vendres.

Les enjeux économiques régionaux

Dans la réalité, cette attestation de circonstance s’inscrit également dans le cadre de la lutte engagée par L. Morache contre la concurrence, notamment celle des ciments du Teil : « Nous obtenons avec vos chaux et ciments les mêmes résultats qu’avec les produits similaires du Teil » affirme en effet la lettre précitée. De fait, située en Ardèche, l'usine de chaux et ciments du Teil apparaît comme la référence industrielle mais aussi la principale menace commerciale vis-à-vis de l'ensemble du secteur régional. Cette concurrence tend dès lors à être compensée par le dépôt de brevets d'invention, attestant de l'effort de perfectionnement mené par l'unité nîmoise.

A cette concurrence technique s'ajoute celle de la distribution. A ce niveau, la distance séparant l'usine de Paulilles de la ville de Nîmes (Gard) apparaît moindre que celle de Paulilles aux usines du Teil (Ardèche), et le circuit d’approvisionnement depuis les Trois Ponts s'avère finalement plus favorable aux intérêts financiers de la dynamiterie. De manière implicite, cette considération incite également le directeur de l'usine de Paulilles à décerner son bilan de satisfaction à la fabrique nîmoise dirigée par L. Morache.

Chaux et ciments aux industries Nobel : un vaste marché

En définitive, ce bref document publicitaire promu par Louis Morache renseigne sur la provenance des produits de maçonnerie employés à la dynamiterie de Paulilles au tournant des XIXe-XXe siècles, à travers le cheminement professionnel de l’un de ses dirigeants. Il explicite les choix économiques ainsi effectués et s’inscrit plus généralement dans le cadre de l’importante histoire industrielle des chaux et ciments et de leur développement.

Aux côtés des caves viticoles méridionales et des divers ponts relevant des travaux publics, la fabrique de Paulilles et plus largement l’ensemble des usines Nobel s’y révèlent en effet de grands consommateurs, notamment en ce qui concerne leurs indispensables enduits, badigeons et autres revêtements muraux. Ce champ de la recherche, désormais circonscrit, reste donc à explorer dans toute son étendue industrielle, et également à affiner, dans ses usages et sa durée.

 E. PRACA

 

 DOCUMENT

Clientèle des Usines de chaux et ciments

des Trois-Ponts et de Saint-Césaire - Nîmes

1886-1907

  

Ponts et Chaussées

Réalisations : Construction de murs de réservoirs - Attestation du 20-11-1886 signée Gros, ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées.

Ecole d’artillerie de Nîmes

Construction d’un magasin à poudre au champ de tir à Nîmes - Attestation du 17-7-1889 signée Michel, garde d’artillerie chargé du service des bâtiments.

Constructions industrielles Paufique Frères

Siégeant à Lyon, 13 rue Groles ; Paris, 7 rue de Londres ; Marseille, 46 rue de la République - Construction notamment de l’usine de tramways électriques de Nîmes - Attestation du 9-9-1906.

Mairie de Nîmes

Réalisations : Pont sur le cadereau d’Alès, en face de l’avenue de la Plate Forme (1897) - Pont sur le cadereau d’Alès, en face de l’Enclos Saussine et pont à la traverse du chemin vicinal n°98 (1903) - Réfection du pont sur le cadereau d’Uzès, à l’entrée Jeu-du-Mail (1905) - Attestation du 17-10-1906 signée Rieu, directeur du Service de la voirie et des eaux.

Max Raphel - Architecte

Réalisations : Galerie des Arts - Ecole de la rue Saint-Victor - Nouveau musée de Nîmes - Attestation du 10-12-1906.

Mairie de Nîmes

Réalisations : divers établissements scolaires édifiés de 1902 à 1906 - Attestation du 16-1-1907 signée Cambacédès, architecte de la ville.

Société Générale pour la Fabrication de la Dynamite 

Dynamiterie de Paulilles (près Port-Vendres) - Attestation du 12-02-1907 signée G. Wolf, directeur de l’Usine de Paulilles.

Compagnie des chemins de fer de la Camargue

Attestation du 11-5-1907 signée Fonville, chef de section.

Randon de Grolier - Architecte du département du Gard

Réalisations : Ecoles de la rue de Générac à Nîmes - Pavillon de l’Ecole Normale des Instituteurs - Attestation du 28-10-1907.

 


 

SOURCES

Archives privées E. Praca - Dépliant 4 volets intitulé « Chaux des Trois Ponts – Nîmes », illustré de nombreuses gravures touristiques extraites du Guide du Gard, Jean BERNARD, éditeur, Nîmes, sd.

POUR EN SAVOIR PLUS

Cliquer sur :

BLANCHARD Raoul, L’industrie des chaux et ciments dans le sud-est de la France, 1928.

Base Mérimée - Notice concernant l'usine des Trois Ponts.

 


Notes

[1] Nouveau système de four breveté en 1883 et autorisation de fonctionnement en 1884. L'usine est située 115-117-119 ter route d'Uzès à Nîmes.

[2] Village situé au sud-ouest de Nîmes.

[3] Cambacédès, architecte de la ville de Nîmes, Max Raphel et Randon de Grolier, architecte départemental.