Dynamite italienne - Origines de la fabrique NOBEL - 1870

 

Léon Gouin - Ingénieur des mines

 

A l’origine du projet de fondation d’une fabrique de dynamite en Italie figure une correspondance établie entre Léon Gouin et Alfred Nobel. Le 3 janvier 1870, Léon Gouin[1], ingénieur des mines à Cagliari - Sardaigne - pour le compte des maîtres de forges Petin et Gaudet[2], demande en effet à Alfred Nobel une quantité de dynamite à l’essai. Cette demande se heurte alors à deux difficultés, d’une part le tarif prohibitif des assurances maritimes et d’autre part l’absence d’une telle usine sur le territoire italien.

Alors que la dynamiterie de Paulilles - sud de France - n’est pas encore fondée, la firme de Nobel est en effet établie à Hambourg[3] et le dépôt de dynamite le plus proche de l’Italie se situe en Suisse, à Olten. A. Nobel fait donc part à L. Gouin de l’intérêt qu’il y aurait de fonder une telle fabrique en Italie et propose à cet effet une association avec l’ingénieur ou toute autre personne intéressée.

En tout état de cause, l’idée fait son chemin chez le célèbre inventeur qui, le 31 décembre 1871, obtient en Italie un brevet d’invention d’une durée de six ans, pour des perfectionnements apportés à la fabrication de la dynamite. L’année suivante, un compromis est signé avec des financiers et ingénieurs français pour la création d’une société et l’installation d’une fabrique sur le sol italien.

 E. PRACA

 

DOCUMENT

 

LETTRE DE NOBEL à LEON GOUIN - 9-1-1870

 

" Hambourg le 9 Janvier 1870

Monsieur Gouin, Ingénieur

à Cagliari

J’ai reçu votre lettre estimée du 3 courant. L’importance des industries de Mrs Petin Gaudet m’est parfaitement connue, et ne fusse que pour avoir admiré vos produits il me serait agréable de vous être utile.

Les Gouvernements, ces arrête-progrès acharnés, entravent autant que possible le transport de la Dynamite. Cependant depuis deux ans il s’en fait une consommation très-grande sans avoir donné lieu à aucun accident, sauf trois ouvriers tués dans les mines en débourrant des « râtés ».

Il n’y a pas de difficulté pour le transport de grandes quantités de Dynamite. Ma firme de Hambourg a en ce moment un ordre pour 25/000 kilos à expédier à Callao (Pérou). Ça va mais pour vous envoyer 300 k. je ne vois aucun moyen. Si le navire qui a de la Dynamite à bord prendrait d’autres marchandises on exigerait pour celles-ci une prime d’assurance exorbitante. Nous avons payé pour la Dynamite d’ici à Rio de Janeiro 7 ½ %.

Pour les 300 kilos, ou telle quantité d’essai que vous jugez convenable, vous n’avez qu’un moyen – c’est d’envoyer les prendre à Olten (Suisse) chez Mr B. von Arx (Nationalratz) qui a pour ma firme d’ici la vente en Suisse. Nous n’avons pas de dépôt moins éloigné de vous que celui-ci.

Cependant ce n’est pas de la Suisse qu’il faudra à la longue vous fournir en Dynamite et je crois qu’il serait d’assez grand intérêt pour vous de voir une fabrique régulière de Dynamite établie en Italie. Je suppose que le monopole du Gouvt pour la poudre n’y serait pas un obstacle sérieux. Dans ce cas voudriez-vous traiter avec moi pour une telle entreprise ou connaissez-vous peut-être une personne de confiance et d’énergie qui y serait intéressée ?   

En France je me suis assuré pour le même but avec Mr Fr. Barbe de la firme Barbe père fils et Cie à Liverdun et je crois que nous aussi nous pourrions facilement nous entendre.

Je dois encore ajouter que la grande force et l’épargne en main-d’œuvre donne à la Dynamite une valeur qui permet de réaliser par la vente de ce produit de grands profits.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations empressées.

A. Nobel "

 ___________________________________

 

SOURCES

Archives Nationales de Suède - Stockholm - Lettre d'Alfred Nobel à Léon Gouin - 9-1-1870.

POUR EN SAVOIR PLUS
 
Mines de Sardaigne - Législation et spéculation - 1867, Site Amis de Paulilles, rubrique Etudes.
 
Dynamite italienne - Origines de la fabrique NOBEL - 1872-1873, Site Amis de Paulilles, rubrique Etudes.


 

[1] Léon Gouin – 1829-1888, ingénieur français. Cagliari est situé en Sardaigne, île au sud de l'Italie.

[2] Importants maîtres de forges dans la région de St Etienne, France.

[3] Allemagne.